Entretien avec Yegor Dyachkov, violoncelliste

Le violoncelliste Yegor Dyachkov se joindra à Appassionata lors du concert du 23 septembre prochain, il interprètera le Concerto pour violoncelle en do majeur de Haydn pour ce concert qui regroupera une trentaine de musiciens.  Ce concert ouvre la 11e saison de l’orchestre et inaugure le Festival Orgue et couleurs.

Comment avez-vous découvert le violoncelle ?  

Enfant, j’étais toujours en contact avecla musique. J’ai essayé le violon et le piano, mais sans trop m’engager. Mes parents, étant musiciens, trouvaient leur métier gratifiant mais difficile. Peut-être trop difficile pour encourager leurs enfants à suivre leurs traces. Lorsque j’ai eu huit ans, mes parents ont changé d’avis, peut-être parce qu’ils percevaient un certain talent musical chez moi et ne voulaient pas le «gaspiller».

Ceci dit, c’est une ruse de ma mère qui m’a attiré vers le violoncelle. Moi, je voulais plutôt essayer le hautbois. Je rêvais à l’époque de travailler avec les animaux (les lions) dans un zoo ou au cirque. Ma mère m’a dit que les animaux aiment beaucoup la musique et que les lions aiment particulièrement le son du violoncelle. Je l’ai crue. Quelques mois plus tard, lorsque je me suis demandé si j’allais vraiment pouvoir jouer pour les grands félins, il était déjà trop tard : je m’étais attaché au violoncelle, c’était devenu «mon» instrument.

Comment décrire votre relation avec cet instrument ?

Mon instrument me permet de m’exprimer. Le violoncelle, pendant longtemps, fut ma voix la plus intime et sincère. Enfant et adolescent, j’étais plutôt timide et je ne m’exprimais pas facilement. Lorsque je vivais quelque chose de difficile, d’éprouvant, ou tout simplement difficile à expliquer, c’est la musique qui me servait de confidente. Je me souviens, après un drame dans la famille, ne pouvant me confier à quelqu’un, je me suis promis que j’allais dorénavant m’épancher dansla musique. C’est grâce à ces expériences que j’ai établi une relation plutôt fusionnelle avec le violoncelle. Au début, c’est l’expression dramatique qui me venait le plus naturellement, mais au fil du temps, l’humour et le jeu se sont greffés à ma palette expressive.

Pour vous, qu’est-ce qu’exprime le Concerto pour violoncelle en do majeur de Haydn ?

J’ai longtemps joué le concerto en ré majeur de Haydn, virtuose, exigeant mais surtout très lyrique. Le concerto en do, que je n’ai pas joué depuis une quinzaine d’années (!) est une bête très différente. Je dirais que c’est une œuvre beaucoup plus ludique, exubérante, jouissive. Elle offre de la tendresse, par moment du drame aussi, mais tend toujours vers la légèreté et (surtout dans le galopant Finale !) un certain caractère quasi jubilatoire.

Quel est votre artiste/compositeur favori et pourquoi ?

Question à laquelle il est difficile de répondre. Il y a tellement de musiciens que j’admire et qui m’inspirent. La liste de compositeurs favoris serait longue aussi et changerait selon les saisons et le répertoire que je travaille, mais je ne pourrais me passer de Bach, Chostakovitch, Beethoven, Ravel (mon dernier disque, enregistré avec le violoniste Olivier Thouin et lancé récemment, lui rend hommage), Messiaen et bien d’autres. Un compositeur que j’affectionne tout particulièrement est Brahms. Sa musique offre un plaisir d’expression inégalé, noblesse, profondeur, humanité, complexité.

Quelle autre forme d’art vous inspire particulièrement ?

La danse contemporaine, le théâtre. Je pense qu’un musicien doit souvent être comédien et, dans un certain sens, doit apprendre à «dire» son texte avec le ton juste. Il est sur scène pour livrer un message, pour incarner un personnage souvent complexe et changeant.

Selon vous, quel est le rôle de la musique ?

La musique, comme d’autres formes d’art, mais d’une manière bien à elle, nous ramène à nous, à notre humanité, à l’expérience universelle. Elle peut nous mettre en contact avec quelque chose de mystérieux, indéfinissable mais essentiel. Elle émeut le cœur et réjouit l’esprit. La musique est la forme d’art qui transforme notre perception du temps.